Le trail est tendance. Nombreux sont ceux qui délaissent la course sur route au profit de cette discipline. Deux spécialités distinctes qui nécessitent des qualités et un entraînement différent pour « perfer ». Comment un traileur doit-il s’entraîner pour s’améliorer ? Les conseils d’un entraîneur d’athlétisme.
1. Travailler son cœur
C’est l’essence même du trail, se laisser porter sur des distances souvent longues, synonyme de défi, et s’abandonner à ce plaisir de l’effort sans chrono. Revers de la médaille : « S’il n’y a pas de chrono pour pousser le traileur, il va perdre ses acquis », alerte Xavier Tremaudan-Place, entraîneur fédéral d’athlétisme (3e degré hors stade).
Pour transformer un trailer en « bon traileur », il va falloir travailler « la puissance du moteur », comme on dit dans le jargon, « c’est la qualité principale d’un traileur », estime le coach. Le cœur, autrement dit. Et sa résistance. « La cylindrée du coureur, le transport d’oxygène », ajuste-t-il, soit sa vitesse maximale aérobie (VMA), vitesse maximale fournie par le système aérobie.
L’objectif est de solliciter les battements cardiaux respiratoires pour développer sa capacité cardio-vasculaire. Il revêt d’une importance en trail, « c’est l’un des facteurs de la performance », or le trailer en est peu adepte.
Comment faire ? Ajouter du fractionné, des changements d’allure, pour faire monter les pulsations. « Pour les trailers qui ne sont pas des adeptes de la piste, indique l’entraîneur, il est possible de travailler en nature sur des exercices de répétitions. Pourquoi pas sur un terrain vallonné, avec des changements d’allure au sein même de l’exercice. » Rendez le ludique, et non contraignant.
2. Se muscler
C’est bien beau d’avoir le moteur, encore faut-il avoir la transmission. « On peut faire le parallèle avec une voiture, ose-t-il la comparaison. Il faut un bon moteur mais il faut une carrosserie. » Travailler le « moteur » du coureur, mais aussi sa morphologie.
Alors qu’en course sur route, l’athlète se laisse porter par une vitesse dite de croisière, en trail il faut sans cesse se relancer. Résultat : on ne peut pas échapper au renforcement musculaire pour devenir plus puissant et éviter toute blessure. « La morphologie du traileur, on l’imagine toujours un peu plus puissante car il faut encaisser les côtes et descentes, ce qui sollicite plus les fibres. »
Comment faire ? Du gainage, de séances de « musculation ». Jambes, mais aussi abdos. « On pense souvent aux jambes, mais la ceinture pelvienne et les dorsaux lombaires vont permettre d’avoir un bon maintien, une bonne tenue, pour ne pas avoir des foulées qui s’écrasent. Quand on est en côte, il faut se gainer. «
L’idéal serait de se tenir à une petite rigueur : « faire chaque jour 5 minutes de renforcement musculaire », avise Xavier Tremaudan-Place. Le matin ou le soir. Après une séance ou au sein même d’une séance. S’arrêter, faire 5 pompes, reprendre, faire 10 squats, emprunter des escaliers.
L’entraînement croisé peut aussi aider. « Il va permettre de muscler plus qu’habituellement. » Pour cela, cherchez de l’intensité ailleurs que dans la course. « En vélo, le coureur peut se fixer un point à l’horizon, une pancarte par exemple, et s’y rendre rapidement. C’est de la puissance. » Ça peut aussi être une longueur de piscine plus rapide.
Se muscler, sans toutefois devenir Monsieur muscle. « La contrainte la plus importante pour aller vite est le poids. » Se muscler, mais savoir aussi utiliser ses muscles. Des muscles qu’il faut chérir. Travailler sa souplesse est également un point essentiel tant « un muscle souple aura tendance à moins se fatiguer qu’un muscle qui va se raidir facilement. »
3. Revoir sa notion d’endurance
Vous passez du hors stade au trail ? Il faut complètement revoir votre notion d’endurance. « Quand on parle d’endurance en course sur route, c’est essayer d’avoir une régularité au niveau de l’intensité utilisée sur la distance. La régularité en trail n’existe pas, avec les dénivelés importants. Pourtant il va avoir cette notion d’évaluation de la difficulté de la course pour pouvoir s’économiser. »
Si on prend deux coureurs, celui qui a terminé le premier c’est celui qui a le plus économisé. Ce n’est pas forcément celui qui était le premier à mi-course. « C’est peut-être celui qui a marché en côte, note-t-il. Dans cette notion d’endurance, en trail, il faut accepter que la marche fasse partie de la course. S’économiser en intégrant la marche fait partie de la stratégie de course. »
Pour un organisateur, ce qui va faire le succès de sa course en trail, c’est la difficulté du parcours. « Donc il faut forcément adapter son endurance, varier son allure. » Chose qu’il faut exercer à l’entraînement car ce n’est pas évident. « Si je me mets à marcher, quand je vais commencer à recourir, mon corps va être plus raide, le muscle se sera refroidi, j’aurais fait chuter ma fréquence cardiaque, il faut remettre tout ça en marche et ça demande de l’entraînement. » Un l’instar du triathlète qui va passer d’une discipline à l’autre, passer de la marche à la course demande une période de transition à appréhender.
4. Anticiper son allure
L’allure fait partie de la stratégie de course. Il faut savoir dans quoi je m’engage. Sur quel dénivelé et quelle nature du sol. Une côte en sous-bois avec des feuilles glissantes ? Peut-être faut-il ralentir.
Le trailer peut marcher dans des côtes, d’autant plus si ça marche devant : doubler, c’est fournir deux fois plus d’efforts. « La différence ne se fait pas dans les côtes mais souvent dans les descentes. Les très bons trailers sont avant tout bons descendeurs. »
Une bonne descente dit avant tout une bonne lecture du terrain pour ne pas chuter. Avoir confiance en sa propre préparation, aussi. « Ce travail de survitesse en descente demande des quadris robustes et le coup d’œil en une fraction de seconde pour déterminer où est le piège. »
De la survitesse en descente essentielle chez les pros mais à aborder toutefois de façon prudente chez les loisirs. « Si en côte on ne risque pas grand-chose, en descente on est souvent poussé à la faute. »
5. Varier ses entraînements
L’idéal : s’entraîner sur un terrain à difficulté multiple, un parcours avec un dénivelé très changeant. « Avoir une petite boucle avec des difficultés variables et casser et relancer l’allure, conseille le coach. S’entraîner à sauter par-dessus des souches d’arbres, voir techniquement ce que ça fait de courir sur des rochers, faire des jeux d’accélération. » Se rapprocher de la réalité de la course, sans reproduire ce qu’on fait sur la route, et en s’amusant.
Variez aussi vos séances pour moins de monotonie. « D’une séance à l’autre, il faut varier ses objectifs. » Par exemple, pour trois entraînements par semaine, comptez : « Une séance ciblée cardio respiratoire avec des exercices qui vont me faire monter le cœur, du fractionné plus ou moins long. Un footing en nature de 45 minutes, pour entretenir les qualités aérobies et cardio-vasculaires, avec de quoi travailler mes appuis sur des chemins divers. Et une troisième séance consacrée au renforcement musculaire. » Un mois et demi d’entraînement à ce rythme et le tour sera joué !
Mais aussi… Ne brûlez pas les étapes ! Commencez par des petits trails, des courses natures avant de courir des distances supérieures. Tout doit être testé à l’entraînement au préalable, camel bag comme alimentation. La règle : ne jamais consommer ce qui n’a jamais été testé à l’entraînement. Le principe de l’entraînement est justement de mettre en place des routines, se rapprocher des conditions de course. Enfin, n’oubliez pas : le plaisir reste le moteur essentiel malgré tout. Garder de l’énergie sous la semelle pour terminer heureux et avec l’envie de recommencer.